• Nuit sans lune

    Nuits d'opale, où gisent mes œuvres délaissées, au creux des sillons, au bord des chemins sans paroles, où je m’abandonne sans volonté à des plaisirs faciles... La nuit pourtant n’est-elle pas ce répit nécessaire à la course folle des choses, source obscure d’où jaillirait l’onde noire des mots ? Et moi, j’ignore désormais ma plume, glissant dans le silence des heures, m’enivrant à des flux morbides, à l’ombre de cette paix éphémère dont je ne voudrais jamais voir la fin. Et quand enfin le sommeil me terrasse, il me semble basculer dans un puits vertigineux au fond duquel luirait quelque promesse perdue, à moins que ce ne soit qu’un reflet divaguant à la surface ondoyante de l’eau… L’aube approche à grand pas, n’est-il pas temps de fuir en refusant de la voir naître ?

    Las, au réveil, je retrouve le monde et ses horreurs, luttant en vain contre l’éparpillement de ce qui n’est déjà plus qu’un songe éteint.

    Il me serait facile d'accuser cette nuit gibbeuse de n’être qu’une illusion, un voile hypocrite à l’abri duquel toute activité créatrice ne serait que pur mensonge : la défaite du jour n’est-elle pas là pour en attester, à la triste contemplation de ces contrées exsangues qui chaque matin purulent de leurs plaies béantes ?

    Car ce soir voici que je retrouve le chemin des mots : ma vie est ici, je dois l'admettre, à l'entrée des balmes que la nuit révèle.

     


  • E deman ?

     

    E deman, quand mon païs serà pas mai que beton e veitura, ont anarai ?

    E dins de mon terrador-ipermarcat, cossí farai per soscar lo mond ?

    E las armas dels aujòls, ont se poiràn amagar dins mon oustal policopiat  ?

     

    Et demain, quand mon pays ne sera plus que béton et voiture, où irai-je ?

    Et depuis mon terroir-hypermarché, comment ferai-je pour rêver le monde ?

    Et les âmes, trouveront-elles un endroit où se cacher dans ma maison polycopiée ?

     


  • Al luenh, ma colèra - Au loin, ma colère...

     

     Au loin ma colère gronde : comment pourrais-la porter, la contenir si elle restait seulement en moi ? Comment y survivrais-je ?

     Elle s’étend donc, par delà les places désertes et les ruelles étroites que la vie abandonne, suivant le flux ininterrompu des automobiles qui ravagent les quartiers périphériques de leur traîne de carbone, elle court les faubourgs coincés entre ville et rocade, poursuivant son cheminement jusqu’aux lieux mêmes de sa cause : supermarchés, galeries marchandes, «retails parks» et autres aberrations qui dévorent terres et paysage. 

     Plus loin encore, elle n’aura d’autre choix que de s’éparpiller, à l’image de cet habitat diffus qui réfute l'imaginaire et mite tout un espoir : celui de rues joyeuses où résonneraient des voix d’enfants, de musiques douces et de parfums inconnus, de rencontres inattendues, de rêveries et de mystères.

     

     

     






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