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La fontaine au loup.
C’est un mince filet d’eau, un éternel murmure dans le chaos du monde. Ici pourtant rien ne semble avoir changé : silhouette contrariée du pin sylvestre, nuances mordorées du lichen sur le gris-bleu des roches, pelouse rase, épilobes et digitales, bruyères ou genêts : même silence, mêmes senteurs profondes.
Et comme un défi, de la gueule du loup s’écoule, tenace, le fluide brillant : « Courez, marchands de vent, ravagez à vos profits, humiliez, écrasez, dispersez votre petite humanité, épandez votre bêtise sur mes contrées sauvages et mon âme éreintée. Mais contre ma gueule ouverte d’où jaillissent les songes vous ne pourrez rien : mes légendes vous survivront, elles s’épancheront dans le creux de vos tombes, et vos cendres légères s'insinueront jusque dans les failles et les crevasses obscures où je me morfonds, où je vous attends ».
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Commentaires
4Philippe de PauMardi 13 Octobre 2015 à 14:31Ce loup patiné par le temps semble évoquer le passage progressif des grandes terreurs humaines à l'histoire policée et rationnelle. Ainsi le loup du Gévaudan est passé...
Mais comme comme toutes les peurs, le loup ressurgira d'une manière ou d'une autre. Et sa légende nous survivra !
Beau travail Olivier, et à bientôt avant la fin du monde
L'eau s'écoule semblant même et pourtant toujours autre.
De très beau texte d'une grande qualité.
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Superbe ce qui est écrit dans le second paragraphe !
Sympa la fontaine (les yeux sont simplement des vis, marrant)