• Nuit

    Nuit sans lune

    Nuits d'opale, où gisent mes œuvres délaissées, au creux des sillons, au bord des chemins sans paroles, où je m’abandonne sans volonté à des plaisirs faciles... La nuit pourtant n’est-elle pas ce répit nécessaire à la course folle des choses, source obscure d’où jaillirait l’onde noire des mots ? Et moi, j’ignore désormais ma plume, glissant dans le silence des heures, m’enivrant à des flux morbides, à l’ombre de cette paix éphémère dont je ne voudrais jamais voir la fin. Et quand enfin le sommeil me terrasse, il me semble basculer dans un puits vertigineux au fond duquel luirait quelque promesse perdue, à moins que ce ne soit qu’un reflet divaguant à la surface ondoyante de l’eau… L’aube approche à grand pas, n’est-il pas temps de fuir en refusant de la voir naître ?

    Las, au réveil, je retrouve le monde et ses horreurs, luttant en vain contre l’éparpillement de ce qui n’est déjà plus qu’un songe éteint.

    Il me serait facile d'accuser cette nuit gibbeuse de n’être qu’une illusion, un voile hypocrite à l’abri duquel toute activité créatrice ne serait que pur mensonge : la défaite du jour n’est-elle pas là pour en attester, à la triste contemplation de ces contrées exsangues qui chaque matin purulent de leurs plaies béantes ?

    Car ce soir voici que je retrouve le chemin des mots : ma vie est ici, je dois l'admettre, à l'entrée des balmes que la nuit révèle.