• Nuit sans lune

    Nuits d'opale, où gisent mes œuvres délaissées, au creux des sillons, au bord des chemins sans paroles, où je m’abandonne sans volonté à des plaisirs faciles... La nuit pourtant n’est-elle pas ce répit nécessaire à la course folle des choses, source obscure d’où jaillirait l’onde noire des mots ? Et moi, j’ignore désormais ma plume, glissant dans le silence des heures, m’enivrant à des flux morbides, à l’ombre de cette paix éphémère dont je ne voudrais jamais voir la fin. Et quand enfin le sommeil me terrasse, il me semble basculer dans un puits vertigineux au fond duquel luirait quelque promesse perdue, à moins que ce ne soit qu’un reflet divaguant à la surface ondoyante de l’eau… L’aube approche à grand pas, n’est-il pas temps de fuir en refusant de la voir naître ?

    Las, au réveil, je retrouve le monde et ses horreurs, luttant en vain contre l’éparpillement de ce qui n’est déjà plus qu’un songe éteint.

    Il me serait facile d'accuser cette nuit gibbeuse de n’être qu’une illusion, un voile hypocrite à l’abri duquel toute activité créatrice ne serait que pur mensonge : la défaite du jour n’est-elle pas là pour en attester, à la triste contemplation de ces contrées exsangues qui chaque matin purulent de leurs plaies béantes ?

    Car ce soir voici que je retrouve le chemin des mots : ma vie est ici, je dois l'admettre, à l'entrée des balmes que la nuit révèle.

     


  •  C'est en rais d'argent que le jour s'efforçe d'adoucir mon visage de pierre. Mais mon âme demeure

    désespérément de glace, livrée à tous les tourments dans un hiver sans fin.

     J'avais pourtant navigué haut et loin, doublé des caps, franchi des brisants, humé les couleurs de terres

    inconnues qui se couvraient d'or quand Phébus terminait sa course.

     Et foulant ces îles d'un pas serein, je savourais sans crainte tous les plaisirs, parcourant sans relâche

    les territoires de la vie : je riais je pleurais je luttais ou j'aimais, me donnant aux autres comme ils

    s'offraient à moi. J'étais riche alors de mes certitudes, mais aussi de mes doutes, car c'est d'un coeur

    vaillant que j'empruntais les chemins du hasard.

     Mais un jour, venant de quelque continent du passé, surgirent de bien sombres nuées, gagnant à leur

    noirceur mes vastes et nobles contrées. Plaines fertiles ou vallons riants se voilèrent de peur, je

    n'entendis bientôt plus que l'écho sinistre de mes vilains cris : c'était le bonheur qui fuyait

    inexorablement sous les coups de boutoir de ma propre folie.

     Adieu, espoirs de conquêtes, horizons précieux, adieu, aussi, nuits étoilées et rêves en partage !

    L'angoisse régnait dorénavant en moi comme un monarque sans vertus écrase son valet.

     Et c'est depuis qu'en vain, emmuré en mes propres frontières, je livre le dérisoire combat de mes forces

    contraires : à ma fontaine tarie je pleure sans larmes les jours lointains

    où je m'exposais sans peines à de douces lumières.

     Puissent un jour les rais d'argent me venir en aide...


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  • Disparaître dans l'azur, se dissoudre en mille éclats de rosée, serein et éternel

    par dessus les nuées.

    Tout là-haut, distant et dégagé, je ne serais plus à moi même qu'un souvenir,

    où les souffrances flotteraient lointaines, à mes pas libérés.

    Dans l'océan céleste où le temps n'a plus d'emprise, je me fondrais dans une éternité de

    tous les instants.

    Des plus noirs aux plus amènes,

    je m'étendrais en eux impavide et inconscient :

    car je sais qu'il en est mille où tu m'aimes éperdument.

     


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